Charles Babbage aura passé sa vie à poursuivre un rêve, celui de fabriquer une machine capable d’effectuer des traitements automatisés, sur des données nouvelles. Il a failli réussir, mais sa machine à différences que l’on appelait pas ordinateur a été construite après sa mort… et a fonctionné.
L’obsession de Charles Babbage, génial inventeur et mathématicien britannique du 19 ème siècle (1791-1871) était de fournir aux navigateurs anglais, maîtres des océans, des tables de navigation et astronomiques exactes, pour leur éviter les nombreux accidents dus à l’imprécision de celles dont ils disposaient. On reconnaît bien là cette extraordinaire présence des anglais du temps de la reine Victoria, sur tous les fronts, conquêtes territoriales, sciences, médecine, littérature, etc.
Charles Babbage, issu d’une grande famille de banquiers londoniens était un scientifique multicéphale qui a pu acquérir grâce à son rang, l’éducation la plus pointue, à Cambridge et au Trinity College, entre autres. Plus particulièrement en mathématiques, mais sans s’interdire des poussées dans d’autres domaines, la philosophie par exemple.
Très brillant et précoce, il fonde la "Société Analytique" à 21 ans, avec neuf autres universitaires et à 29 ans, il est élu à la "Société Royale" de Londres et fonde la "Société Royale d’Astronomie".
Sans pour autant oublier son "grand œuvre" et la conception de la fameuse machine dédiée à l’édition de ses tables.
Il faut être précis. Babbage a commencé par imaginer une "machine à différences", pour laquelle il a eu l’idée d’incorporer les cartes perforées dont se servait Jacquard pour sa machine à tisser, susceptibles de fournir des instructions et des données à la sienne.
C’est en cela que l’on considère que Charles Babbage, s’il n’est pas l’inventeur de l’ordinateur, a quand même imaginé certains de ses aspects que l’on continue d’appliquer aujourd’hui.
Le problème de Babbage est qu’il ne disposait pas à l’époque des ingrédients indispensables et ne pouvait se servir que de roues dentées, de tambours ou de leviers. De la mécanique de base, avec ses inconvénients comme le frottement des pièces et les vibrations gênantes.
L’ambition de Babbage pour sa calculatrice à différences était pourtant élevée, car elle devait interpréter des fonctions mathématiques, des logarithmes des fonctions trigonométriques, etc en se servant de fonctions polynômiales pour les remplacer. Autrement dit il n’entrait pas dans la logique trigonométrique, par exemple, mais dans celle d’un polynôme qui faisait la même chose.
Malheureusement pour lui, malgré des changements permanents et l’aide de la Société Royale d’Astronomie (dont il fut le secrétaire pendant 4 ans), il n’aboutira pas. Il imaginera une 2 ème version de sa machine, qui devait nécessiter 3 fois moins de pièces que la précédente, avec la même puissance de calcul, mais il ne cherchera pas à la fabriquer.
Ce n’est qu’après sa mort que l’un de ses fils fabriquera le "moulin", ce que l’on appellerait aujourd’hui l’unité centrale, ainsi qu’un module d’impression, qui lui permettront de faire une démonstration réussie à l’Académie Royale d’Astronomie en 1908.
Il faudra attendre 1985 pour que le Musée des Sciences de Londres se lance dans la fabrication complète de la machine à différences, qui sera totalement achevée en 2002.
Cette machine, visible au Musée des Sciences de Londres est composée de 8 000 pièces, mesure 3 m de large et 2 m de haut et pèse 5 tonnes…
A noter qu’il ne faut pas confondre la machine à différences de Babbage avec sa machine analytique. Car le mathématicien tout en ne parvenant pas à construire son prototype dédié aux calculs de polynômes, avait déjà anticipé sur la conception d’une autre machine, dite analytique ou universelle, capable cette fois de traiter n’importe quel problème mathématique, un calcul d’intégrale ou de résolution d’un système d’équations différentielles. Pour Babbage, tout était calculable et c’est cette machine analytique et ses cartes perforées qui servira en partie de modèle aux ordinateurs modernes.
Preuve de l’ouverture d’esprit de Babbage et de son inépuisable curiosité, on relèvera qu’il est aussi connu pour avoir inventé le timbre-poste dont le coût ne dépend pas de la cible, voire encore d’avoir cassé le système de chiffrement de Vigenère, une technique qui consiste à remplacer la même lettre d’un message par d’autres lettres, selon sa position dans le message.
A vrai dire, il n’a pas été le seul à réaliser cet exploit et on retiendra que c’est le major prussien Friedrich Kasiski, qui est considéré comme le premier à l’avoir fait en 1863.
Au détour d’un voyage à Londres, nous ne saurions trop vous recommander d’aller visiter le "Musée des Sciences" où la machine à différences II de Babbage est exposée, parmi les quelques 300 000 objets qui ont marqué l’histoire de la science. Un régal.