Fernando Corbato, pionnier de l’usage des mots de passe
C’est dans les années 60 qu’un professeur renommé du MIT a eu l’idée d’intégrer les mots de passe, pour en faire un filtre sécuritaire d’un projet de recherche, CTSS, l’une des premières pierres posées sur le chemin du partage logique des ordinateurs.
Fernando Corbato a enseigné pendant 60 ans au MIT ("Massachusetts Institute of Technology") de Boston, hormis pendant la seconde guerre mondiale et a reçu le prix Turing en 1990. Autant dire qu’il n’est pas un inconnu.
Professeur émérite au MIT, sa principale activité en dehors de l’enseignement a été de mettre au point un système d’exploitation qui devait permettre à plusieurs utilisateurs de se connecter à une même machine, sans "se marcher sur les pieds", ni copier sur ce que faisait le voisin.
C’est le concept de ce que l’on appelle aujourd’hui le temps partagé ou "time sharing", cher par exemple aux Bullistes (*) français dont les services de ce type ont été très largement diffusés sur le marché.
Le CTSS ("Compatible Time-Sharing System") sur lequel travaillait Corbato est l’ancêtre de Multics, qui sera adopté par la suite par General Electric, avant que sa branche informatique ne soit rachetée par Honeywell. Et donc finisse par atterrir chez Bull…
L’un des besoins fondamentaux de CTSS était d’assurer un minimum de protection système, ce que Corbato a donc imaginé de faire autour des mots de passe, dont l’intérêt était de pouvoir isoler les usagers et les ressources qu’ils étaient susceptibles de consommer. Chacun disposant de sa petite machine personnelle, en quelque sorte…
Cela peut nous sembler évident aujourd’hui, mais dans le contexte de l’époque, Corbato avait initié une véritable révolution, qu’il a d’ailleurs regrettée par la suite, la qualifiant de "cauchemar" en 2014, car ne comportant pas les ingrédients de protection qu’il aurait souhaités.
Il aurait préféré sur le tard des systèmes plus perfectionnés tels que la reconnaissance faciale et la biométrie forte. Dont on connaît aussi maintenant les limites…
Bref, c’est une course sans fin à laquelle s’était lancé Fernando Corbato, considéré comme le précurseur de l’usage des mots de passe dans les systèmes, sans en être donc l’inventeur.
Hormis cette obsession sécuritaire, le futur prix Turing se sera aventuré dans d’autres domaines. La mise au point de l’une des toutes premières versions de courrier électronique, par exemple, ainsi que de messagerie instantanée. Ce que les israéliens de Mirabilis pourront évidemment lui contester.
C’est aussi à lui que l’on doit cette curieuse loi dite de Corbato, qui stipule que le nombre de lignes de codes qu’un programmeur peut produire pendant un certain laps de temps, est indépendant du langage de programmation.
Ce qui peut nous sembler contestable, car coder en PHP peut nous paraître moins difficile qu’en Java, mais après tout, c’est lui le prix Turing et pas nous…