L’initiative du tableur ou feuille de calcul remonte à 1961, sans laquelle nous ne connaîtrions pas le monde des PC tel qu’il s’est développé jusqu’à aujourd’hui. C’est le tableur qui l’a débloqué, un coup de tonnerre et fait que l’on s’est mis à considérer d’abord l’Apple II puis le PC comme une machine professionnelle.
Le tableur n’est pas une machine quantique. Ce n’est pas non plus un algorithme d’IA. Et encore moins un réseau cellulaire de 11 ème génération. Mais le tableur, inventé non pas par Dan Bricklin, mais par Richard Mattessich, un austro-canadien qui en a énoncé le principe en 1961, a eu autant d’impact que ces grands concepts, car c’est à partir de la présentation du premier tableur sur Apple en 1979, en l’occurrence Visicalc, que le marché des machines personnelles a véritablement explosé. Mattessich s’était contenté d’en présenter les principes clés : une matrice constituée de lignes et de colonnes, susceptible de servir de base à un calcul de budget, mais il faudra attendre Dan Bricklin et son Visicalc, pour avoir un produit qui ressemble à ceux que nous utilisons aujourd’hui.
Tout ceci s’explique dans la mesure ou Richard Mattessich était d’abord professeur de comptabilité à Berkeley, puis à l’Université de Colombie Britannique, alors que Bricklin s’est révélé comme un personnage clé du monde de l’informatique. A chacun ses ambitions.
Entre les idées prémonitoires de Mattessich et la réalisation du rêve de Bricklin, il s’est passé 18 ans, une éternité quand on connaît la résilience de ce milieu.
Quand on l’interroge sur le cheminement qui l’a amené à imaginer son VisiCalc, Dan Bricklin répond que c’est à la suite d’un rêve qu’il a eu cette idée, en l’occurrence celle d’une calculatrice numérique interactive, que les insuffisances technologiques de l’époque vont transformer en une feuille de calcul utilisable avec une souris, un écran et un clavier.
C’est à l’automne 1978 que Bricklin a présenté le premier prototype de son tableur, programmé en assembleur 6502, sur une machine Apple, qui elle-même faisait ses débuts.
Pour tenir dans l’espace mémoire de l’Apple de Steve Jobs, il avait dépensé des trésors d’ingéniosité avec son associé Bob Frankston, qu’il avait connu au MIT, pour limiter l’encombrement de sa feuille. Mais comme l’Apple ne disposait que de 16 Kb de mémoire, son outil n’a pu fonctionner que sur la version 32 Kb de la machine.
Par la suite, VisiCalc, le nom de son tableur, sera reprogrammé en Basic, entre autre et porté sur de nombreuses autres machines, dont le PC. Mais à l’origine l’affaire des tableurs était exclusivement Apple et c’est VisiCalc qui légitimera l’Apple II, la grande majorité des clients achetant la machine pour pouvoir travailler avec VisiCalc. L’inverse de ce que l’on fait aujourd’hui.
Au fond, quand on compare les tableurs modernes à VisiCalc, la feuille commercialisée par la Compagnie Software Art Corp, fondée avec Frankston, on ne voit pas tellement de différences avec ceux d’aujourd’hui.
Entendons-nous bien, il ne s’agit pas ici du catalogue de fonctionnalités disponibles sur les tableurs, mais de la manière dont nous nous servons de la feuille, qui reste, hormis quelques fondus des formules de calculs, relativement simple. L’essentiel des fonctions nécessaires, ayant déjà été inventées par Dan Bricklin et Richard Mattessich : l’interaction, le pilotage par formules mathématiques, les sélections d’objets, les liens entre les cellules, etc.
VisiCalc restera dans l’histoire des technologies modernes comme l’une des 5 plus grandes fulgurances, de celles qui ont transformé le monde.